« Je l’ai aimée, cette soirée ; aimée comme si elle avait été la dernière de ma vie, la dernière de toutes les vies. »
Mathilde veut écrire sur le Printemps Arabe. Pour cela, elle rencontre de joyeux fanfarons autour d’une table quelque part sur les bords de la Méditerranée. Sauf que selon eux, le Printemps Arabe n’a jamais eu lieu. La Révolution ne gronde plus que dans les cœurs, et les fumigènes ont laissé la place aux vapeurs de l’alcool.
On s’essuie les yeux sur un coin de nappe en préparant la prochaine révolte qui risque fort de rester coincée sous la table. Pourtant, le conflit gronde au dehors, et l’Étranger, personnage énigmatique venu de partout et de nulle-part, invite à la zizanie autour de la Tablée.
Résistera-t-elle à l’arrivée du chaos qui attend sur le pas de la porte ?
La Tablée, c’est l’histoire d’un groupe humain trop humain, dont les travers sont dangereux dans le conflit mais essentiels dans la réunion, comme chaque pierre à la construction d’un édifice.
Le projet
Alors que la Tunisie tremblait encore à cause d’un attentat qui venait d’avoir lieu avenue Bourguiba, à quelques semaines de celui du Bataclan, mes pas m’ont menée en février 2016 à Tunis, capitale de l’une des plus jeunes démocraties au monde. Étincelle du « Printemps Arabe » et seul pays à s’être libéré durablement de la dictature, ce pays m’attirait depuis longtemps déjà : quel prix avait là-bas cette liberté fraîchement acquise ? Comment les habitants vivaient-ils les fondamentaux de la démocratie, quels usages faisaient-ils de la liberté d’expression ?
Lorsqu’on a le droit de tout dire et tout le temps, nous rendons-nous encore compte de la valeur d’un tel acquis ? Et en tant qu’artiste, utilisons-nous toujours cette notion à bon escient ? Ces questions — et beaucoup d’autres — ont été débattues avec Ahmed Amine Ben Saad. Nous ne le savions pas encore mais La Tablée avait commencé à voir le jour.
D’abord rédigée à quatre mains au coin d’une table, dans un bar quelque part en banlieue-Nord de Tunis, sa version finale aura finalement nécessité quatre années de rédaction, deux résidences d’écriture et de multiples séjours entre Paris et Tunis. Une équipe des deux territoires et une distribution bi-culturelle ont rejoint le projet. Dans l’espoir de porter une parole commune au-delà des différences et des frontières et d’approcher, ensemble, le rêve d’un théâtre universel.
Maud Galet Lalande