Première partie de soirée
« En ce qui me concerne, si j’ai rappelé quelques détails de ces hideuses boucheries, c’est parce que je pense que ces têtes d’hommes, ces récoltes d’oreilles, ce sang qui fume, on ne s’en débarrassera pas à si bon compte. Je répète : en ce qui me concerne, je pense que ces têtes d’hommes, ces récoltes d’oreilles, ces maisons brûlées, ces invasions gothiques, ce sang qui fume, ces villes qui s’évaporent au tranchant du glaive, on ne s’en débarrassera pas à si bon compte ».
Olivier Dubois ne peut répondre à l’appel du Sacre par une seule et unique pièce. C’est donc une collection de douze Sacre(s) du Printemps, une dissection qu’il propose, pour en savoir plus sur les fantômes de cette œuvre. Le premier volet Prêt à baiser a été créé en mai 2012 au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.
Maurice Béjart avait promis Le Sacre du printemps à son « élue noire », Germaine Acogny. Le projet n’a pu aboutir et c’est aujourd’hui Olivier Dubois qui offre à cette reine de 70 ans le rôle de la jeune fille sacrifiée ; un solo qui puise une nouvelle vision de l’œuvre dans la force et la profondeur des histoires africaines et dans la vie de Germaine Acogny. Pour la première fois de sa carrière, elle est l’interprète d’un autre chorégraphe.
En slip et soutien-gorge noirs, fumant la pipe comme à son habitude, Germaine Acogny est exposée comme un spécimen exotique. Acculée, elle trépigne, court, se ploie. Troquant le noir contre le blanc, elle cède, s’efforce de s’adapter sans parvenir à trouver son identité. Cette couleur blanche, avec laquelle elle etait encore disposée à s’exprimer, utilisant les codes du colon devient le symbole de l’échec et de son emprisonnement. Sans ciller, en fixant le public du regard, elle renverse la couleur blanche.